28 Novembre 2016

Maryvonne Pellay

Images de la recherche

En 2005 disparaissaient deux personnalités exceptionnelles dont j'ai eu l'immense privilège de croiser la vie : Hubert Curien et Madeleine Rebérioux. Militants et enthousiastes, ils avaient tous les deux une haute conception du service de l'État et une confiance sans réserve dans la culture, l'éducation du peuple et la recherche. Particulièrement depuis les derniers événements qui ont endeuillé Paris, je regrette les passionnantes nuits de travail avec Madeleine Rebérioux, accompagnées de bouteilles de vin rouge, et les entretiens brefs, efficaces et pertinents avec Hubert Curien. Ils ne sont plus là pour m'éclairer de leur analyse.

Ma route a croisé celle de Hubert Curien pendant quarante ans, de 1964 à 2004, à toutes les étapes de sa carrière.

Il était mon professeur à l'ENS. Il était directeur du CNRS lorsque j'étais chercheur à l'Institut d'Astrophysique. C'est à ce moment-là, en 1970, que lors d'un entretien, il a orienté le cours de ma vie. Nous nous sommes retrouvés en phase sur la popularisation de la science et la nécessité de rendre compte aux citoyens de la manière dont leurs impôts permettaient à la recherche française de se développer. Les laboratoires devaient s'ouvrir au public. La Seconde guerre mondiale avait fait oublier la nécessité de montrer la science en train de se faire comme l'avait voulu Jean Perrin en créant le Palais de la découverte en 1937.

Hubert Curien avait décidé de renouer avec l'esprit de Jean Perrin et de créer un service des relations publiques au CNRS, une revue, le Courrier du CNRS et des expositions dans les villes où le CNRS avait des laboratoires. J'ai quitté la recherche pour assister toutes ces créations en tant que conseil scientifique. La première exposition Images de la Recherche à la Maison de la Culture de Grenoble, lieu symbolique fut la première grande ouverture du monde le la recherche vers le public. Ce fut une expérience inoubliable.

J'ai quitté le CNRS en même temps que Hubert Curien pour créer une société de multimédia dédiée à la popularisation de la science et de la culture. C'est encore Hubert Curien, à la DGRST qui a soutenu l'exposition itinérante sous chapiteau En passant par la recherche, destinée à faire bénéficier les petites villes d'une information scientifique de qualité. Hubert Curien, au CNES, se battait pour Ariane le lanceur à portée de tous, et à portée de nos moyens, une politique qui ne plaisait pas à tout le monde. La carrière d'Ariane lui a donné raison. J'ai participé aux campagnes d'information sur ce merveilleux objet technologique dont je suivais avec émotion chaque lancement dans les média.

Hubert Curien ministre de la Recherche soutenait les projets favorisant la révolution du numérique dans l'information scientifique. Sur ce terrain aussi, nos routes se sont croisées.

Chez Hubert Curien, le sens du service de l'état n'était pas une posture, il s'y investissait avec toutes ses qualités : honnêteté intellectuelle, esprit de synthèse, ponctualité, fidélité à ses passions : la recherche, les chercheurs qu'il connaissait si bien, la popularisation de la science et la science citoyenne. Il savait imposer ses décisions sans violence mais avec fermeté. Il désamorçait les conflits par son sens de la répartie et son humour bienveillant, même lorsqu'il était caustique.

Il était de ceux qui pensaient qu'il n'y a pas de croissance sans innovation et bien sûr pas d'innovation sans recherche.

Pour répondre à Pompidou qui en 1972 lui avait dit Accusés défendez-vous, en parlant des scientifiques, Hubert Curien a su défendre la science et son budget auprès du public en allant vers ce public, la plus élégante des façons de se défendre. Et il adorait la musique...

Maryvonne Pellay

  • Astrophysicienne, scénariste multi média