20 Janvier 2020

Florence Berthout

Florence BERTHOUT

Maire du 5e Arrondissement

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,
Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Maire, Jean TIBERI,
Madame l’Adjointe à la Maire de Paris, Marie-Christine LEMARDELEY,
Monsieur le Président de Sorbonne-Université,
Monsieur le Directeur de l’École Normale Supérieure,
Monsieur le Président du Centre national d’Études Spatiales,
Monsieur le Directeur de l’École Supérieure de Physique et Chimie industrielles de Paris,
Chers Nicolas et Christophe CURIEN et les membres de la famille d’Hubert CURIEN,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs,

Attribuer le nom d’Hubert CURIEN à la place qui nous réunit ce matin est une belle évidence.

Évidence parce qu’il habitait à quelques dizaines de mètres d’ici, place de l’Estrapade, avec son épouse Perrine DUMEZIL, et ses trois fils, Pierre-Louis, Nicolas et Christophe, qui sont avec nous.

Évidence parce qu’il a conduit une partie de ses études, de ses recherches, et de ses enseignements dans le 5e arrondissement.

Évidence surtout, parce que le cœur névralgique de la vie universitaire et scientifique du Quartier latin est symbolique du haut degré d’exigence intellectuelle qui était le sien, et sans doute symbolique également d’une forme d’accomplissement : celle de l’immense chercheur, celle du formidable pédagogue, et celle du grand serviteur de l’État.

Le chercheur hors-normes, tout d’abord.

Une intelligence précoce et supérieure ainsi qu’une insatiable curiosité portent très tôt Hubert Curien à embrasser la voie exigeante des sciences.

Comme c’est souvent le cas dans les grandes découvertes – les scientifiques le savent bien – le hasard des rencontres et les aléas de la vie  prendront leur part dans son destin exceptionnel : la passion pour la physique, transmise par un professeur du collège de Remiremont dans ses Vosges natales, une faiblesse contractée lors de son courageux engagement en 1944 dans la Résistance, qui le conduit à préférer l’ENS à Polytechnique, une agrégation de physique passée en même temps que Perrine DUMEZIL, qui deviendra son épouse, et puis un doctorat sur la dynamique des réseaux cristallins dont le sujet était en proximité avec les montagnes gréseuses et granitiques de son enfance vosgienne.

Ce sera le début d’une ascension fulgurante !

Mais ce qu’il y a de singulier, je dirai même de touchant, dans la carrière d’Hubert Curien, c’est que la ferveur du jeune étudiant chercheur qui découvre pour la première fois la forme cristalline du gallium, ne se démentira jamais.

Sa vaste culture scientifique et sa curiosité touche-à-tout le conduiront ainsi à mener des recherches tout azimut, de la physique du solide à la cristallographie, en passant par la minéralogie.

Loin de l’image du chercheur inaccessible, enfermé dans la bulle de ses travaux, Hubert CURIEN avait surtout le « don » de la transmission. Peut-être y avait-il là une forme d’héritage légué par sa mère qui avait été directrice d’école.

Ses cours avaient la réputation d’être précis, sobres, clairs, et phénomène peu répandu à ce degré d’exigence, très chaleureux.

Le Professeur André AUTHIER, qui avait été son élève avant de devenir son ami, affirmait qu’il avait vigoureusement dépoussiéré, je cite, « un enseignement traditionnel devenu un peu vieillot ».

Même ministre, il continuera à enseigner et à donner rendez-vous à ses élèves dans son laboratoire, souvent dès potron-minet.

Le chercheur et le pédagogue se confondaient chez lui à tel point qu’il consacrera également une partie de sa carrière à vulgariser les sciences.

Il contribuera ainsi à faire du Palais de la Découverte un lieu unique en Europe où des disciplines perçues comme énigmatiques et parfois inaccessibles, se donnent à voir et à comprendre au plus grand nombre.

Il confirmera cet essai de maître en créant la Fête de la Science, qui est devenue près de trente ans après sa création, un événement festif et ludique qui anime nos quartiers.

André AUTHIER, toujours lui, dira que les qualités hors normes du chercheur et du pédagogue ont révélé chez Hubert CURIEN le diplomate.

Cet atout se révélera précieux dans son parcours de grand serviteur de l’État.

Diriger des femmes et des hommes – les politiques en savent quelque chose – est parfois aussi délicat que manipuler le fameux électromètre à cadran dans le maniement duquel Hubert Curien excellait également.

Toutes ces qualités lui seront fort utiles dans les prestigieuses fonctions qu’il exercera à la tête, du CNRS, de la Fondation Européenne de la science, de l’Université de Compiègne, du CNES, de l’Agence Spatiale européenne qui portera le lancement d’Ariane ou encore de la société Arianespace qu’il créera.

Le 2 aout 1984, le plus jeune Premier ministre de France, Laurent FABIUS, appelle dans son gouvernement l’homme de sciences expérimenté qu’est Hubert CURIEN.

Avec lui, Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, vous partagez la conviction qu’il n’y a pas de grand pays sans recherche, et qu’il convient d’assoir la recherche française, afin que notre pays soit celui de l’innovation et non pas de l’imitation comme vous l’avez récemment rappelé dans un hommage qui était dédié à Hubert CURIEN.

Il restera votre ministre de la Recherche de 1984 à 1986. Et peut-être, parce qu’il n’y pas de « plus sûr investissement que l’intelligence », comme se plaisait à le dire Hubert CURIEN lui-même, il continuera à assumer ses éminentes responsabilités dans les gouvernements successifs de Michel ROCARD, Édith CRESSON et Pierre BEREGOVOY.

 

Oui, Hubert CURIEN aura durablement marqué l’histoire de la recherche contemporaine, cette histoire qui n’est pas seulement un passé mais qui est aussi, pour reprendre la belle formule d’Alain, « un grand présent ».

En donnant le nom d’Hubert CURIEN à cette jolie place en haut de la Montagne Sainte-Geneviève, nous ne faisons pas que réparer un oubli, nous rendons un hommage légitime à celui qui fut tout à la fois l’immense chercheur, le formidable pédagogue ainsi que le brillant et grand serviteur de l’État dont je parlais au début de mon propos.

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