Edouard Brézin
Hommage à Hubert Curien Académie des sciences/le 14 mars 2005
Il y fut élu en 1993, et il choisit de s'inscrire dans la section des Sciences de l'Univers. Je crois que la minéralogie l'avait là, emporté sur la physique, pour des raisons que Claude Allègre a sans doute explicitées.
On m'a dit, je n'étais pas Membre de cette Compagnie à l'époque, que tout était prêt pour son élection en 1988, mais sa nomination dans le gouvernement de Michel Rocard retarda le processus de cinq années, par un principe bien établi, justifié sans doute par la volonté de notre Académie d'être indépendante et au service de toute la Nation.
Hubert Curien fut un membre extrêmement actif, constamment présent de l'Académie, à laquelle il accordait beaucoup d'importance. Consulté par tous dans ces périodes où nos statuts évoluaient, où l'Académie des Technologies prenait une indépendance que son importance justifiait, il devint, de manière très évidente pour nous tous, le Vice-Président de l'Académie auprès de Guy Ourisson en 2000, destiné à lui succéder à la Présidence en 2002 et 2003.
Ils engagèrent des réformes qui ont permis de faire place, en quatre années, à cent Membres supplémentaires et donc à des disciplines nouvelles de la science. Et ils imposèrent un rajeunissement bienvenu quoique relatif, puisqu'il signifie à l'Académie que nous ne pouvons élire, lors d'une session d'élections, plus de 50% des membres âgés de plus de 55 ans. Il fallut toute la merveilleuse et la légendaire habileté d'Hubert Curien dans toutes les négociations pour faire aboutir cette réforme. Je constate depuis que j'appartiens au Bureau de cette Académie, combien Hubert Curien fût vénéré de tout le personnel qui y travaille, que vous n'avez peut-être pas remarqué mais qui était présent à l'entrée tout à l'heure, car nous ne savions pas si nous avions réellement la capacité d'organiser une telle manifestation. Son humanité, sa façon de s'intéresser en profondeur à chacun, sa prévenance qui s'efforçait d'aider chacun à progresser, restent pour nous tous des modèles admirables.
Je voudrais ajouter quelques mots plus personnels : d'abord Hubert Curien avait refusé la cérémonie qu'avait projetée l'Académie pour ses 80 ans, dans laquelle nous voulions organiser une journée scientifique. Il avait souhaité la retarder, que nous attendions peut-être qu'une nouvelle loi d'Orientation et de Programmation pour la Recherche, en chantier, permette d'examiner ensemble l'avenir. Nous attendons toujours...
Je voudrais dire aussi que c'est lui, permettez moi de l'évoquer, qui m'avait engagé, alors que j'étais dans mon laboratoire, à prendre la responsabilité du conseil d'administration du CNRS. C'est une tâche qui n'a pas toujours été facile et dans laquelle son soutien constant à travers toutes ces années a été extrêmement précieux.
Je voudrais ici évoquer quelques séances à ses côtés. Chacun d'entre nous a pu connaître Hubert Curien dans différentes fonctions. C'est ainsi que j'ai siégé à ses côtés pendant plusieurs années dans le jury des chaires Biaise Pascal. Les chaires Biaise Pascal sont des chaires magnifiques qu'a créées la Région Ile-de-France, extrêmement bien dotées, et qui dans ces conditions font l'objet d'une compétition absolument féroce. Toutes les disciplines se retrouvent dans le jury. J'ai donc siégé je crois trois fois dans ce jury des chaires Biaise Pascal, où la tendance naturelle de chaque membre d'un jury est d'arriver et de planter son couteau sur la table pour défendre son ou ses candidats. Je n'ai jamais compris comment nous réussissions à l'issue de quelques heures de discussion à ce que un consensus se fasse sans jamais aucun vote ! Je ne sais pas si vous imaginez, si certains d'entre vous ont pu assister à d'autres manifestations de cette nature, ce que cela représente.
Je voudrais peut-être, avant de conclure, dire que je trouve que la cérémonie d'aujourd'hui, que M. d'Aubert va réellement conclure, est tout de même très emblématique. Nous avons entendu ce soir des personnalités qui ont des options personnelles fort différentes ; mais je me réjouis de constater que ce pour quoi Hubert Curien s'est battu toute sa vie, à savoir la science, la recherche, l'enseignement supérieur, fait bien l'objet d'un accord unanime dans les priorités exprimées devant vous. Je me réjouis que ceci s'impose à tous nos concitoyens, et je le prends comme un gage d'un avenir meilleur pour notre recherche et notre science, que nous attendons je dois dire avec beaucoup d'impatience.
Mesdames, Messieurs, le temps de conclure est arrivé. Je crois que nous sommes tous aujourd'hui orphelins. En tout cas, c'est bien comme cela que je le ressens.