François Loos

Hommage à Hubert Curien Académie des sciences/le 14 mars 2005

Madame, chère Famille, chers Collègues,
Mesdames et Messieurs

A mon tour, je voudrais rendre hommage à Hubert Curien. J'ai été à son cabinet de 1984 à 1985, un an pendant lequel je m'occupais d'international. A cette époque, le synchrotron est allé à Grenoble, le programme spatial européen a été adopté à Rome, le programme Eurêka a été lancé en réponse au Stratégie Défense Initiative, et nous avons fait de nombreux voyages ensemble.

C'est Jean-Pierre Chevillot qui m'avait appelé, car il se souvenait que je lui avais dit que je voulais travailler à l'international.

M. Curien avait des amis chercheurs dans le monde entier. Je me souviens de notre voyage à Brasilia pour l'installation du nouveau président Tavado Neves... Il était malade... nous attendions.... Et nous sommes allés à Rio où les meilleurs chercheurs du Brésil avaient préparé une fête pour Hubert Curien. Je n'avais rien à organiser, ça s'est fait comme des retrouvailles de vieux amis et ils parlaient de physique théorique.

Et le plus échevelé de ces professeurs m'expliquait : "Nous n'avons pas de crédits pour construire des grands instruments, mais nous créons des théories que les riches expérimentateurs sont chargés de vérifier. En fait, ce sont les savants qui n'ont que de la craie, qui innovent et font travailler les riches expérimentateurs".

Et ce soir-là, Hubert Curien, heureux, racontait des histoires de ce petit monde des grands savants. Les grands instruments, les grands projets, voilà un problème pour les Européens ou les Américains.

Dans les réunions européennes, il y avait cette complicité des patrons de recherche qui ont toujours su montrer leur indépendance, quelle que soit la politique qu'on voulait leur faire suivre. Hubert Curien était de la famille, on ne la lui faisait pas et sa complicité ne l'empêchait pas d'avoir le dialogue constructif nécessaire.

Pour Eurêka, son lancement avait marché tout seul. C'était la réponse civile européenne au programme américain d'initiative de défense stratégique. De même, que le spatial progressait à travers les grands projets collectifs, le programme Eurêka était pour les chercheurs, de toutes obédiences, publics ou privés, l'occasion de faire rêver, sur ce que pourraient être les produits de l'avenir, si la coopération entre industriels, scientifiques, petites et moyennes entreprises, financiers existait. Il m'a été donné de voir se concrétiser l'idée "si tous les gens du monde se donnaient la main ... ".

Mais, les chercheurs sont des stars, suivent des modes et comme tous les grands créateurs sont des artistes admirables.

Hubert Curien a été leur père, leur frère, leur ami, leur maître, leur collègue...de la "Curiénite" à Ariane. De Jussieu à l'Académie, il a incarné cette excellence modeste de tous ceux qui comprennent le monde, un peu plus que les autres.