November 28, 2016

Gérard Béranger et Claire Etienne

Hubert Curien à l'UTC (Université de Technologie de compiegne)

Dans l’activité riche et remarquable de Hubert CURIEN, de Professeur des Universités, notamment en cristallographie, de chercheur en minéralogie et en physique des solides, de directeur Général du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de Président du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), de père de la fusée Ariane, de Président de l’Agence Spatiale Européenne, de promoteur de l’Europe de la Science, d’initiateur de la Science en Fête, de Ministre de la Recherche et de la Technologie, on ne saurait oublier un autre volet important de son rôle dans l’enseignement supérieur, à savoir celui de Président du Conseil d’administration1 de l’Université de technologie de Compiègne (UTC). Dès la création de cet établissement d’un type nouveau en septembre 1972, Hubert CURIEN lui témoigna un grand intérêt 2.

Ainsi fut-il nommé membre du Conseil en 1973 sur proposition de Bernard DELAPALME en remplacement d’André BLANC-LAPIERRE et simultanément élu à sa Présidence, succédant à Pierre AIGRAIN. Il exerça cette fonction à deux reprises, de décembre 1973 à mars 1978, puis d’avril 1984 à octobre 1989. Il participa à de nombreuses réunions du Conseil aux décisions desquelles il contribua efficacement par son sens de l’écoute et de la mesure, son autorité naturelle, sa vision à long terme en matière d’éducation et de recherche, sa diplomatie, sa pertinence et sa sagesse.

Son implication fut essentielle dans le développement de l’UTC, en particulier lors de son premier mandat pour résoudre et surmonter les entraves qui auraient pu être fatales à l’établissement telles que les retards de construction, les problèmes de financements etc.. Il contribua aussi à doter l’UTC de statuts adaptés à son caractère novateur. Soucieux de la qualité de vie des étudiants, en particulier de leur logement, il fit débloquer en 1986 des crédits auprès de l’Office public d’aménagement et de construction (OPAC) de l’Oise par le ministre de l’urbanisme, du logements et des transports.

Au cours de son engagement constant et éclairé au service de l’UTC, Hubert CURIEN se lia d’amitié avec le Président-fondateur, Guy DENIELOU, ce qui contribua et favorisa le développement rapide et harmonieux de l’Université. Pendant son second mandat, il fut nommé Ministre de la Recherche et de la Technologie dans le gouvernement Fabius. Il tint malgré cette lourde charge à conserver la Présidence du Conseil d’administration de l’UTC. Il continua à honorer de sa présence les séances du Conseil. Sur un plan plus social, il ne manquait jamais de participer aux déjeuners qui suivaient les réunions du conseil d’administration et qui se tenaient dans une maison bourgeoise transformée en salon de thé située près du Palais de Compiègne, « La Belle Epoque », au cours desquels il ravissait les participants par ses récits et par sa vue prospective dans le domaine des sciences et des technologies.

Dans le cadre de son activité de Ministre il côtoie Jean-Pierre CHEVENEMENT, Ministre de l’Education. L’idée d’essaimage de l’UTC commence à germer ; elle va trouver un terrain de réalisation à Sévenans dans le territoire de Belfort. Ainsi, le 3 décembre 1985 Hubert CURIEN, Jean-Pierre CHEVENEMENT et Guy DENIELOU inaugurent l’antenne de l’UTC à Sévenans. Elle s’émancipera, quelques années plus tard, pour devenir l’Institut polytechnique de Sévenans (IPSé) puis l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). Cet essaimage se poursuivra ultérieurement par la création en France de l’Université de Technologie de Troyes (UTT) puis à l’étranger, en Chine, de l’Université de technologie sino-européenne de Shanghai (UTSEUS) en 2005, et, en 2014, d’un pôle au Chili. Ainsi s’est constitué à travers le monde tout un réseau qui favorise les échanges d’étudiants et d’enseignants, contribuant à préparer les futurs ingénieurs à la mondialisation en venant compléter les stages de longue durée dont bon nombre se déroulent à l’étranger, sans oublier les échanges avec des universités étrangères qui aboutissent pour certains à des doubles diplômes. Sensible à ces problèmes de mobilité, Hubert Curien participa en 1991 au 10ème anniversaire de la création du double diplôme d’ingénieur UTC et du Master of Science du Cranfield Institute of technology. De même, il déclara en 1993 lors d’une conférence réunissant à l’UTC des directeurs d’universités brésiliennes que « l’avenir n’est plus à la présence d’étudiants au même endroit pendant trois ou quatre ans ». 3

Sa participation active à la vie de l’UTC a passé notamment par le biais de conférences. Sa présence attirait toujours un très large public. En mai 1978, alors qu’il présidait le CNES, il donna une conférence sur la politique spatiale européenne 4. Elle s’inscrivait dans le cadre d’un cycle de conférences dit « université-ville » mis en place dès la naissance de l’UTC à des fins de diffusion des connaissances scientifiques ou culturelles. Par ailleurs, même en dehors de son mandat, Hubert Curien fut présent lors d’évènements marquants dans la vie de l’UTC : il présida par exemple la cérémonie de clôture des 20 ans de la première rentrée de l’UTC en septembre 1993. C’est aussi sous la Présidence de Hubert CURIEN que le Prix ROBERVAL, concours international francophone récompensant « des œuvres littéraires, audiovisuelles ou multimédias consacrées à l'explication de la technologie » 5 , voit le jour en 1987 au sein de l’UTC. Elle en assure toujours depuis la gestion et l’organisation de la cérémonie de remise des prix. Soutenu dès l’origine par le Conseil Général de l’Oise et son Président de l’époque, Jean-François MANCEL, et décliné sous plusieurs formes, ce Prix a rapidement trouvé ses lettres de noblesse dans le monde francophone. Apprécié des auteurs il est aussi recherché par les éditeurs d’ouvrages consacrés aux sciences et aux technologies ainsi que par les réalisateurs et producteurs d’émissions de télévision et de supports numériques. Hubert CURIEN en a présidé le premier jury et participa à de nombreuses cérémonies de remise des prix. Au cours de la remise du Prix en décembre 2000, alors Président de l’Académie des Sciences, il confirme que c’est « une institution importante dans la popularisation de la Science ». Il fait cette recommandation aux scientifiques : « il est nécessaire d’expliquer ce que font les chercheurs, leurs méthodes et leurs résultats. Une explication a priori et non plus a posteriori. Expliquez, expliquez, il en restera toujours quelque chose ». L’année suivante il reprend de plus belle : « Le prix Roberval donne une nouvelle fois la preuve que la science n’est pas ennuyeuse. Il ne suffit pas de dire qu’elle est utile, encore faut-il montrer qu’elle est amusante. Je ne suis pas de ceux qui disent : c’est fichu, les jeunes n’en veulent plus ».

Hubert CURIEN a ainsi, par différentes actions, beaucoup contribué au développement et à l’épanouissement de l’Université de technologie de Compiègne et de façon plus générale des Universités de technologies d’origine française. Tourné vers l’avenir Hubert CURIEN ne disait-il pas : « sans science il n’y a pas de technologie nouvelle et sans technologie nouvelle il n’y a pas de progrès….Les années qui viennent nous réservent encore des surprises. Alors essayons de chanter en faisant de la science et faisons en sorte que nos enfants et petits-enfants chantent avec nous ». Quel beau message plein d’optimisme, d’espoir et d’encouragement au service de la science et de la technologie.

Gérard Béranger

  • Professeur Honoraire des Universités (UTC) Membre de l’Académie des Technologies

 


Claire Etienne

  • Responsable des Archives de l’UTC

1En réalité du « Conseil de l’université » qui prendra le nom de « Conseil d’administration » en 1989.

2Compte rendu du conseil de l’université, 10 octobre 1973.

3« Universités brésiliennes en réflexion à l’UTC », Compiègne, 20 juin et 9 juillet 1993. Conférence –débat du 1er juillet sur le thème du transfert universités - industrie

4 « Un nouveau regard sur la Terre ». Conférence université – ville, Compiègne, centre de recherche, 22 mai 1978.

5Site Web du Prix Roberval [Consulté le 1er septembre 2015]